Laurent MignonCarte Blanche à Laurent Mignon, Directeur associé chez LauMa communication.

Attention, cela n’est pas de la Santé-Fiction mais de l’Anticipation en Santé…

“10 janvier 2018. Il y a quelques minutes, j’ai manifesté mon mécontentement sur Facebook envers l’Assurance maladie, qui venait de m’avertir, via son appli pour smartphone ObservanceRemboursement, que je ne serai pas remboursé de ma dernière prescription d’antibiotiques. La raisons invoquée : le tracker NFS intégré dans la pilule indiquait que je n’avais pas respecté l’heure de prise. Sans plus attendre, ma mutuelle m’a aussitôt signifié qu’elle décidait d’augmenter le montant de mes cotisations en tant que mutualiste non responsable”.

Ce scénario, qui semble incroyable aujourd’hui, est pourtant en train de se construire doucement mais sûrement. Le cœur du système de santé actuel ne réside pas dans les objets de santé connectés ou les mApps tel que pourrait nous le faire croire l’environnement médiatique, mais bel et bien dans les données, à travers un double phénomène : l’Open Data et le Data mining, également appelé webcrawling.

Open Data en santé, le débat qui se fera sans vous…

Focalisant l’attention de nombreux acteurs depuis plusieurs mois, le débat sur l’Open Data en santé se concentre principalement sur l’accès au Sniiram (Système National d’Information Inter-Régimes de l’Assurance Maladie). Si ce débat est on ne peut plus légitime, il est toutefois nécessaire de s’interroger sur les conditions de sa mise en place, dont les usagers de santé, cotisants, patients et biens-portants semblent déjà avoir été exclus.

En effet, parmi les 43 personnalités composant la commission Open Data en santé (1), une seule, Danièle Desclerc Dulac, Secrétaire générale du CISS, représente les patients et usagers de santé, voire deux si l’on intègre à cette définition les consommateurs, à travers la présence de Mathieu Escot, chargé de mission à l’UFC Que Choisir.

Même si Christian Babusiaux, Président de l’Institut des Données de Santé, se veut rassurant, en indiquant que les enjeux du sujet ne sont pas ceux de la “gestion quotidienne et de la confidentialité chez les professionnels de santé” ni ceux de la “compilation de données » du « big data” (2), il plaide néanmoins dans le même temps pour une “ouverture raisonnée” dans un cadre partenarial (…) où il serait possible de donner un accès à certains acteurs en contrepartie de leurs propres données.

Ainsi, l’ouverture du Sniiram ne serait pas uniquement descendante mais pourrait être bilatérale. En ce cas, quelles données formeraient la contrepartie ? S’agirait-il de données de santé provenant de prestataires ou de professionnels de santé ? L’Assurance maladie pourrait-elle vérifier et surveiller non seulement la prescription mais aussi la bonne observance de chaque traitement ?

Des données à monnayer…

Les questions précédentes ne se posent déjà plus. Pour s’en convaincre, il suffit de s’attarder sur le traitement de l’apnée du sommeil via les appareils à pression positive continue (PPC) où la prise en charge du traitement est assujettie à une observance minimale (3 heures sur 24, pendant au moins 20 jours sur une période totale de 28 jours)…

Une question s’impose : si des données d’observance peuvent donner lieu à une variation de la prise en charge, c’est bien la preuve que les données de santé personnelles ont une réelle valeur. En ce cas, le producteur – vous, nous – ne devrait-il pas en être le bénéficiaire ?

Certains objecteront que les données de santé n’ont de valeur qu’une fois traitées et compilées, à l’image d’un diamant que l’on aurait taillé. Mais la gemme n’a-t-elle pas une valeur en elle-même ? Quelle société de webcrawling, d’analyse des informations de santé que nous publions quotidiennement sur les réseaux sociaux, est prête à payer et à rétribuer nos données ?

Je ne parle pas nécessairement de rétribution monétaire mais bel et bien de retour de valeur. De fait, le webcrawling peut permettre d’améliorer la recherche, de mieux comprendre les conditions réelles de vie des patients et des biens-portants. C’est donc une source de savoir, mais un savoir qu’il faudrait au moins partager avec ceux qui en sont à l’origine !

En réalité, nous sommes perpétuellement crawlés. Facebook peut même avoir accès à nos commentaires non publiés, ceux que nous commençons à écrire puis décidons d’effacer avant publication. Face à cette situation, le minimum ne serait-il pas que chaque contributeur ou producteur bénéfice d’un retour d’information sous la forme d’un rapport de synthèse des études menées ?

De l’éthique dans les données…

Si le débat sur l’Open Data en santé s’organisait, demain, avec les patients, les cotisants, les usagers, et que, de plus, nous pouvions décider, via une simple extension, que notre blog, notre compte Facebook, notre page Google Plus ou notre compte Twitter ne puisse pas être crawlés, ou seulement pour des recherches en santé publique, ou bien encore ouvert à toutes recherches, même commerciale… ne serait-ce pas la démocratie sanitaire qui y gagnerait ?

La surabondance de données, d’applications et d’objets de santé connectés, et son potentiel corolaire de bénéfices pour la santé ne doivent pas faire perdre de vue que l’humain est non pas au cœur mais au point de départ du système de santé. Et en santé comme en toute chose, ce qui est fait pour moi mais sans moi est – trop souvent – fait contre moi.


(1) 43 personnalités composent la commission Open data en santé, Hospimedia, 22 novembre 2013

(2) Open-data : le président de l’Institut des données de santé met en garde contre des “fantasmes”, TICsante.com, 25 novembre 2013

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